Jannis nous partage sa philosophie de voyage et sa méthode pour dormir chez l’habitant

Jannis et Lucie au Château des Ducs de Bretagne (source : En Echappée)

Jannis et Lucie au Château des Ducs de Bretagne (source : En Echappée)

Jannis, jeune voyageur à vélo en solitaire, est parti de Brême (où il habite actuellement) en Allemagne il y a plus d’un mois et demi avec l’objectif de rallier le Portugal avant les fêtes de Noël. Nous l’avons accueilli chez nous grâce au site de couch surfing Warm Showers, alors qu’il roulait depuis près d’un mois, pour une soirée de repos et une journée de visite de notre chère ville de Nantes.

À l’occasion d’une pause pour admirer le célèbre éléphant mécanique des Machines de l’Île, Lucie a eu la chance de recueillir le témoignage de Jannis qui s’est confié au sujet de sa philosophie de voyage, de ses préparatifs et de sa méthode pour dormir chez l’habitant. L’occasion pour lui de formuler ses pensées nouvelles, fruits de nombreuses heures de réflexion sur les routes.

Témoignage de Jannis, entre Allemagne et Portugal

Traduction en français (le bilan ici)

Lucie : Jannis, pour commencer pourrais-tu te présenter, ainsi que ton voyage ?

Jannis : Bonjour, je suis Jannis, de Brême. J’ai 21 ans. Je viens de terminer mon premier cycle d’études, puis j’ai fait une année de volontariat social dans une école. Je fais ce voyage…pour mieux me connaître.

L : Tu m’as dit vouloir prendre ton temps pour choisir ce que tu vas étudier l’année prochaine ?

J : Oui. Je veux aussi apprendre à m’organiser. C’est un des thèmes principaux de mon voyage je pense, l’organisation. Si vous n’avez jamais fait un tel voyage, je vous conseille de commencer à vous organiser tôt. De mon côté, j’ai quatre mois pour faire ce voyage, car je veux être à la maison pour la veille de Noël. Je ne ressens pas de pression car j’ai le temps [NDLR : sous entendu, nous ne sommes pas tous dans cette situation et certains ont un timing plus serré]. Je conseillerais de commencer à se préparer deux mois avant le départ. J’ai commencé trois semaines avant, mais c’était trop court. Je recommande d’emprunter des livres à la bibliothèque, il y a beaucoup de livres sur le voyage à vélo. Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de lire beaucoup, mais ça peut être utile. Ainsi que les blogs.

Avant votre départ, la structure est tout d’abord de choisir une date de départ, une date fixe, puis de savoir quel est le but principal du voyage. Par exemple, pour moi il s’agit de devenir plus minimaliste et de me débarrasser de certaines choses. Quelques mois avant de partir, j’ai commencé à donner des choses.

L : On peut dire que tu ne voyages pas uniquement pour faire du sport.

J : Non pas seulement, mais je voyage aussi pour le sport. Il m’est venue l’idée de créer un « rythme », quelque chose que je peux faire tous les jours, des pompes par exemple, ou des techniques faciles, comme utiliser une serviette pour faire des altères (rires).

Donc, tout d’abord je voulais vivre de manière minimaliste pour pouvoir mieux me connaître. En effet, quand tu vis comme ça, tu as plus de temps pour savoir ce que tu veux, tu es moins distrait.

Pour revenir à la structure, il faut aussi décider où tu veux arriver. J’ai choisi le Portugal car c’est au Sud et comme l’hiver vient (rire) je veux rejoindre le Sud. Je n’ai pas dit « Lisbonne » cependant, mais juste « Portugal ». L’endroit où tu arrives est important car quand tu y es, tu sais que tu as accompli quelque chose. Quand tu voyages à vélo, c’est bien d’avoir un point de départ et un point d’arrivée.

Une fois que tout ça est décidé, tu peux savoir quel genre de climat tu vas rencontrer et quelles vont être tes conditions pour dormir. Et tu peux alors penser à ton équipement et à faire tes bagages.

L : En parlant de faire tes bagages, tu m’as dit hier que tu avais pris trop d’affaires avec toi. Tu peux nous en parler ?

J : Oui, trop d’alimentaire, par exemple de la farine (!). En parlant d’alimentaire, je recommande mon réchaud à alcool Trangia qui pèse 250 grammes. Il est très petit. Cuisiner tous les jours est vraiment bien car tu as un rituel et c’est moins cher que d’acheter des plats préparés.

réchaud trangia démonté

Réchaud démonté (source : En Echappée)

réchaud trangia monté

Réchaud monté (source : En Echappée)

réchaud trangia fermé

Réchaud rangé (source : En Echappée)

Ne pensez pas qu’il vous faut beaucoup de vêtements. Ce n’est pas important. Si tes vêtements sentent mauvais, pas de problème. Porter des vêtements propres n’est qu’une convention sociale. Je conseille de ne prendre que des vêtements de sport. Les collants sont agréables et tiennent chaud la nuit. Des shorts de cyclisme. Pas besoin de jeans. Un t-shirt suffit. Il s’agit de prendre le moins de choses possible.

Je recommande aussi une petite tente, légère. Par exemple la Quickhicker de Quechua fait moins de deux kilogrammes et s’installe facilement.

L : D’accord, merci pour ces conseils. As-tu préparé ton itinéraire à l’avance ?

J : Je dirais que chaque jour je prépare l’itinéraire du lendemain. C’est bien de le faire le soir. Je ne suis pas toujours toutes les routes prévues, mais j’aime avoir des buts secondaires. J’ai mon but principal, le Portugal, et des buts secondaires sur le trajet.

Pour prévoir l’itinéraire [NDLR : ce que nous appelons le rythme de voyage sur En Echappée], tout d’abord tu prends le trajet total, puis tu le divises par le nombre de jours que tu as. Je recommanderais de rajouter une journée.

L : En guise de marge ?

J : Oui, car il peut y avoir des problèmes : des problèmes techniques, des montagnes qui sont plus difficiles à grimper que tu l’imaginais etc. et tu ne peux pas toujours les prévoir. Tu peux aussi avoir affaire à un très mauvais temps, ou encore un manque de motivation certains jours.

L : Tu m’as dit que tu avais passé la plupart des nuits sur des terrains privés. Quelle est ta méthode ?

J : Il faut apprendre à être sûr de soi. Avant mon année de volontariat social je n’aurais pas osé, mais il faut essayer. Quand tu voyages seul, les gens viennent aussi vers toi. Par exemple, à Rotterdam j’ai rencontré un cycliste local et je lui ai demandé s’il recommandait la ville pour une visite. On a commencé à parler et il m’a demandé où j’allai passer la nuit. Je ne savais pas, donc il m’a invité chez lui spontanément.

Recherchez la conversation sur votre trajet. Parlez aux gens de manière positive et ayez une attitude positive. N’ayez pas peur car la plupart des gens vont aimer ce que vous êtes en train d’accomplir. En France, ce que les gens me disent le plus est « Bon courage ! », ils apprécient vraiment ce que je fais. Bien entendu, il faut être prudent, mais vous allez sentir les choses.

En résumé, pour être invité chez les gens :

  • Essayez ;
  • La peur est naturelle, mais ne la laissez pas gagner ;
  • Pensez à ce que VOUS feriez si un voyageur à vélo vous demandait de l’héberger ;
  • Sonnez chez les gens ;
  • Je demande toujours un emplacement pour mettre ma tente, simplement.

Je vous conseille de le faire plutôt dans les zones rurales. C’est bien de le faire dans des fermes. J’ai même dormi dans une écurie, dans l’entrée. C’était un peu sale, mais ça allait.

L : Merci pour ces astuces ! Quel est ton sentiment à propos du voyage en solitaire ?

J : Je recommande d’aller vers les gens. C’est peu de contact, mais c’est bien d’avoir quelques interactions. Je ne pourrais pas être comme Robinson Crusoé (rires).

Je t’ai parlé des buts secondaires. Une semaine ici, une semaine là. Je pense toujours en terme de semaines car ce n’est pas trop prévisible. Et quand je m’arrête chaque semaine pour une courte pause, c’est bien de prévoir un endroit « en dur » où dormir. Mais ça peut être difficile car tu n’as pas toujours Internet [NDLR : pour trouver des hôtes de couch surfing].

Donc à propos du voyage en solitaire, au début j’avais des peurs, mais je les ai surpassées. Ne laissez pas des mauvaises pensées occuper votre esprit. Le passé ne peut pas être changé. Pensez à l’instant présent et aux bonnes choses qui vont arriver. C’est bien d’avoir un objectif hebdomadaire : quand vous perdez votre motivation, ça vous donne un point à atteindre. C’est bien aussi de garder le contact avec la famille et les amis, comme envoyer des cartes postales.

L : Est-ce que tu as envoyé des mails ?

J : Oui, mais il ne faut pas se mettre la pression. Il faut le faire quand on le sent. Il faut apprécier son voyage. Pensez qu’en rentrant vous allez pouvoir passer du temps avec les gens de nouveau. Je suis concentré sur les rencontres que je fais sur le trajet, ça maintient ma motivation.

Ayez quelques rituels, des choses qui sont importantes pour vous. Par exemple, j’ai des livres. J’ai aussi décidé de noter ce que je mange chaque jour. Ça m’aide à vivre le moment présent et penser à ce que je fais. Ça entraîne mon cerveau. Quand tu demandes aux gens ce qu’ils ont mangé…ils ne peuvent pas toujours répondre ! J’essaye aussi de noter le nombre de kilomètres que je parcours. J’ai un compteur que j’ai acheté chez Lidl pour sept euros.

L : En parlant de kilomètres, quelle est ta vitesse moyenne et combien de kilomètres parcours-tu chaque jour ?

J : J’ai parcouru 2300 kilomètres pour le moment. Certains jours je suis entre 18 et 20 km/h. Parfois seulement 16 km/h [NDLR : lors de notre dernier voyage, nous étions plutôt entre 12 et 15 km/h]. Parcourir beaucoup de kilomètres n’est pas la chose la plus importante. Si vous vous sentez bien quelque part, vous pouvez vous arrêter, pas besoin d’aller plus loin.

Le mieux, c’est de suivre les heures solaires. Je veux dire que, si vous savez que le soleil se couche à neuf heures, deux heures avant vous devriez trouver un endroit où dormir : il faut installer la tente, ce qui est mieux à la lumière du jour, et il faut cuisiner. Et c’est tout. Pas besoin de se doucher tous les jours. S’il fait froid dehors, ça fait du bien de manger à l’intérieur de la tente (mais pas d’y cuisiner, pour des raisons de sécurité). J’utilise des baguettes chinoises pour manger, pour manger plus lentement, pour améliorer ma coordination et aussi car c’est facile à transporter.

L : Tu m’as dit que tu manges principalement des pâtes, du riz et de la semoule ?

J : Oui, il faut puiser son énergie dans ce genre d’aliments. Vous pouvez ajouter des fruits et des légumes, c’est très rapide à préparer. Dans l’après-midi et le soir je préfère manger de la salade, c’est moins lourd.

L : Tu m’as confié avoir voyagé une semaine avec ta petite-amie pendant ce voyage. C’est une bonne expérience ?

J : Oui c’était sympa. Mais pour atteindre mes objectifs, c’est bien aussi d’être seul. Tu rencontres aussi plus de gens.

Elle vient m’encourager parfois sur mon trajet aussi, et c’est agréable de se voir. Ce que j’ai aimé c’est de manger ensemble, c’est ennuyeux de manger seul. Parler et partager nos expériences sur le trajet. Résoudre les conflits, comme choisir le chemin par exemple. Il faut apprendre à s’écouter et trouver ensemble une solution qui convient aux deux personnes. Par exemple, la bonne vitesse : je suis plus rapide qu’elle, mais je dois l’accepter.

L : D’accord ! Est-ce que tu aimerais voyager à vélo une nouvelle fois, ou tu penses qu’il s’agira plutôt d’une expérience isolée ?

J : Ce voyage m’a montré à quel point c’est beau, bon marché et facile de voyager. Ça se résume à ton vélo, quelques affaires et trouver un endroit où dormir. Pas besoin de luxe. Je pense que je pourrais voyager à vélo en solitaire entre deux semaines et deux mois. Avec quelqu’un, je pourrais faire des voyages plus longs. Même un voyage d’un an. C’est ce que je ressens maintenant, mais peut-être que je verrai ça autrement quand je serai au Portugal. Je pourrais imaginer voyager plus longtemps, mais j’alternerais voyage et travail (par exemple du wwoofing [NDLR : c’est ce qu’a fait Bregt, voyageur à vélo en solitaire que nous avons interviewé en Suède]).

L : Est-ce que tu dirais que ce voyage t’a un peu changé ?

J : Oui. J’aimais déjà voyager avant, mais c’était des visites de villes. Ce voyage est vraiment ce que je voulais. Je vois les pays avec une perspective différente.

Si je faisais un autre voyage d’un ou deux mois, j’utiliserais plus Warm Showers. Avant de partir, je définirais mes objectifs hebdomadaires et je trouverais des endroits où y dormir (au pire, vous pouvez toujours annuler). J’aimerais voyager en Amérique du Sud, seul ou accompagné, et pour un mois de voyage, je fixerais quatre étapes, quatre points où je pourrais dormir. Des endroits où passer la nuit.

L : Intéressant ! Merci beaucoup Jannis pour cette interview pleine de bons conseils, et merci d’avoir partagé avec nous ta philosophie de voyage. Nous te souhaitons un excellent voyage jusqu’au Portugal !

J : Merci !

Bilan du témoignage de Jannis

Quelques points à retenir de l’expérience de Jannis

  • Sa philosophie de voyage :
    • Mieux se connaître en devenant plus minimaliste ;
    • Vivre l’instant présent.
  • Préparer son voyage :
    • Fixer une date de départ ;
    • Définir le but du voyage (ex : mieux se connaître, faire du sport, découvrir le monde etc.) ;
    • Définir un lieu d’arrivée ;
    • S’y prendre deux mois à l’avance et lire.
  • Préparer ses affaires :
    • Ne pas prendre trop de vêtements (ex : un ou deux exemplaires de chaque) ;
    • Prévoir uniquement des affaires de sport.
  • Préparer son itinéraire :
    • Se fixer des objectifs hebdomadaires, c’est bon pour la motivation, tout en laissant de la marge en cas de problèmes (techniques, personnels etc.) ;
    • Prévoir son itinéraire précis la veille pour le lendemain, par exemple le soir.
  • Dormir chez l’habitant (presque toutes les nuits) :
    • Se lancer avec une attitude positive, rechercher la conversation, sonner aux portes ;
    • Oublier la peur, qui est naturelle ;
    • S’imaginer à la place de l’hôte potentiel ;
    • Ne pas trop en demander, par exemple un emplacement pour planter la tente (privilégier les zones plus rurales).
  • Rester motivé(e) :
    • Avoir un lieu en dur où dormir chaque semaine, au mieux prévu à l’avance : cela donne un objectif concret à court terme ;
    • Avoir des rituels (ex : lecture, noter ce que l’on mange etc.) ;
    • Garder le contact avec les siens (ex : cartes postales, mails etc.) ;
    • Faire des rencontres en étant toujours ouvert à la conversation.

Version originale en anglais (Cliquer pour afficher)


Nous vous remercions pour votre présence sur En Echappée et nous espérons que ce témoignage vous inspire autant qu’il nous a inspiré ! 🙂

N’hésitez pas à commenter ou à nous contacter si vous voulez discuter de points en particulier !

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Maxime et Lucie En Echappée
On est tous les deux des passionnés de voyage à vélo et très curieux à ce sujet. Suivez sur ce blog nos voyages à vélo, et découvrez nos rencontres, inspirations et conseils pour préparer les vôtres ! Le blog évoluera au fil de nos découvertes cyclistes et de nos rencontres. Notre projet est de vous livrer nos expériences, mais aussi de donner de la voix aux autres voyageurs pour compléter nos avis. Alors, débutants ou confirmés, suivez-nous et partez avec nous en échappée !

4 reflexions sur “Jannis nous partage sa philosophie de voyage et sa méthode pour dormir chez l’habitant

    1. Maxime et Lucie En Echappée Auteur de l'article

      Oui on a beaucoup de chance, les voyageurs à vélo que l’on rencontre sont très généreux et ont beaucoup à partager !
      Merci, on a pensé que ça pouvait être utile pour les gens un peu pressés, ou tout simplement pour avoir une petite synthèse du contenu de l’article, plus facile à retenir 🙂

  1. david

    Pour avoir une chance de se faire inviter, il faut susciter la curiosité des gens ou bien avoir un temps pourri !! Les gens ont plus de compassion quand il pleut ou qu’il fait froid.

    1. Maxime et Lucie En Echappée Auteur de l'article

      Ahah oui on a fait l’expérience de l’hospitalité encouragée par le temps pourri au Danemark !
      La première fois, une gentille maman nous a prêté sa caravane, on était trempés jusqu’à l’os !
      Deux jours après, on nous a proposé une cabane en bois. Pareil, il pleuvait des cordes depuis le matin !

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